Arriver en retard ne lui ressemblait pas. Pourtant ce soir, il devait s’estimer heureux d’être arrivé tout court. Il arrivait souvent que l’on tombe sur des cadavres frais dans les ruelles et ce soir, ça aurait bien pu être le sien qui aurait décoré l’asphalte. Un couple de vampire… un couple bien cachée, une rue mal-éclairée par des lampadaires vacillants et il n’en fallait pas moins pour qu’une main puissante s’abatte sur son épaule et le jette comme une vulgaire plume dans l’intérieur d’une maison abandonnée. Mais ce couple qui voulait sûrement s’offrir un petit dîner en amoureux semblait être bien mal tombé…
Darek passa par derrière comme d’habitude. Les employés ne rentraient guère par l’entrée principale surtout lorsqu’ils étaient en retard. La cuisine était toujours la meilleurs solution même si elle imposait de passer par des ruelles sombres comme celle où ce couple de vampire avait élu résidence et avait trouvé dans un même temps, le repos éternel. Le jeune serveur tînt son bras ensanglanté fermement dans sa main. Pour protéger son cou, il avait offert son bras à la morsure en une réaction défensive. Quelques coups de griffes, quelques trous dans son sweet-shirt, un peu de sang en moins mais rien de plus grave n’était à déplorer.
Le jeune homme se dirigea vers l’évier sans perdre plus de temps et rinça la plaie avant de récupérer dans la trousse de secours que tout lieu public se devait d’avoir, de quoi faire un garrot. Puis les rugissements chinois du propriétaire le rappelèrent à l’ordre. On pouvait bien avoir une jambe en moins qu’on n’avait pas plus le droit à ses yeux d’être en retard et s’il y’avait une chose qu’il détestait encore plus, c’est devoir faire le serveur à la place de Darek. Le tablier lui arriva dans les bras avec encore un juron chinois et le grand brun l’enfila hâtivement avant de se quitter l’arrière-cuisine pour rejoindre la « grande » salle aux ambiances d’Asie.
La patron s’était encore énervé pour rien. Malgré le fait que Liverpool soit tombé en ruines et que plus personne n’attache vraiment d’importance à telle ou telle service, le vieillard bougon voulait que même dans la ruine qu’était la rue où se trouvait son restaurant, le peu de clients qui venait, trouve de quoi se satisfaire et partant de cela, l’heure était l’heure même si la salle était vide. C’est donc entre des chaises vides que déambula Darek, trouvant de l’occupation en passant un coup de torchon humide sur les tables et en réalignant correctement les menus dans le bac. Il alluma quelques bougies, presque qu’unique manière d’éclairer le restaurant si ce n’était les quelques lampes et luminaires grésillant qui donnait une lueur rougeâtre au petit intérieur. Un peu d’encens voletait dans la pièce, tentant de faire oublier que dehors rôdait les dents de la nuit. En fond sonore, tournait en boucle un CD de musique d'ambiance oriental qui passait tous les soirs, ce qui avait le don d'agacer Darek lorsqu'il n'était pas dans un bon jour.
Pas question de patienter sur une chaise, que le client veuille bien se montrer. Il fallait rester actif s’il ne voulait pas se faire bombarder de critiques venue d’Orient comme dans une comédie asiatique non sous-titrée. Darek passa derrière le comptoir, histoire d’essuyer quelques verres en attendant que quelques clients veulent bien venir pousser la porte du Saïgon. Le propriétaire poussa les portes battantes de la cuisine, tenant dans ses mains, tout un panier d’origami qu’il vînt déposé pêle-mêle sur les tables. Le plus client, comme il l’appelait. Un plus inutile mais bon, si ça lui faisait plaisir! Darek continua d’essuyer quelques verres puis se tourna pour les ranger dans le vaisselier tout à côté.
La porte tinta et le propriétaire était déjà en train de faire un salut traditionnel chinois pour accueillir le client… Le « surplus client » comme il l’appelait.